Appel suspensif des étrangers placés en rétention

Dans sa rédaction tirée de l’article 1er de la loi n° 2025-796 du 11 août 2025 visant à faciliter le maintien en rétention des personnes condamnées pour des faits d’une particulière gravité, l’article L. 743-22 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile instituait de nouveaux cas d’appel suspensif contre une décision mettant fin à la rétention administrative d’un étranger jusqu’à ce qu’il soit statué sur le fond. Cette faculté a été invalidée par le Conseil constitutionnel qui a rappelé que, par principe, un magistrat du siège doit disposer « de la plénitude des pouvoirs que lui confère son rôle de gardien de la liberté individuelle » (Cons. const., 7 août 2025, n° 2025-895 DC, cons. 18. – confirme Cons. const., 20 nov. 2003, n° 2003-484 DC, cons. 74). Pour cette raison, il ne peut pas être fait obstacle à une décision de remise en liberté, « fût-ce dans l’attente, le cas échéant, de celle du juge d’appel » (cons. 18). Certes, comme la loi le prévoit depuis 2003, le ministère public peut demander au magistrat délégué de déclarer son recours suspensif si l’intéressé ne dispose pas de garanties de représentation effectives ou en cas de menace grave pour l’ordre public. Ce magistrat décide alors sans délai s’il y a lieu de donner à l’appel un effet suspensif par une ordonnance motivée rendue contradictoirement. Par dérogation, le législateur avait prévu que l’appel suspendait de plein droit l’exécution de la décision du juge mettant fin à la rétention dans des cas définis (interdiction judiciaire du territoire, condamnation définitive pour des crimes ou délits graves, expulsion, interdiction administrative du territoire, menace d’une particulière gravité pour l’ordre public). Ces dispositions s’appliquaient à tout appel formé contre la décision de libération, qu’il émane du ministère public ou du préfet et n’ouvraient pas un droit d’action à l’étranger concerné. Le Conseil constitutionnel en a tiré la conséquence que la loi portait atteinte à l’article 66 de la Constitution en conférant un effet suspensif au recours formé contre une mesure privative de liberté, « y compris lorsqu’il n’émane pas du procureur de la République, magistrat de l’ordre judiciaire » (cons. 24). Le Conseil a également dénoncé la mise en échec de la plénitude des pouvoirs du magistrat du siège pour se prononcer dans les plus brefs délais sur le bien-fondé de la suspension d’une décision de remise en liberté.

Un mois plus tard, le Conseil constitutionnel a prolongé cette analyse pour estimer que le législateur portait une atteinte excessive à la liberté individuelle en prévoyant que l’étranger dont la rétention a pris fin est maintenu à la disposition de la justice jusqu’à vingt-quatre heures avant l’appel du ministère public sans que, dans ce délai, un magistrat du siège soit appelé à se prononcer sur le bien-fondé d’une telle mesure (Cons. const., 12 sept. 2025, n° 2025-1158 QPC, cons. 11). Ce régime résultait de la réforme du 26 janvier 2024. Parce que l’abrogation immédiate de ces dispositions aurait pour conséquence de remettre en cause l’effet utile du recours suspensif pouvant être exercé par le ministère public en cas d’absence de garanties de représentation ou de menace pour l’ordre public, il a été décidé d’en reporter l’effet au 1er octobre 2026. Afin de faire cesser l’inconstitutionnalité constatée et jusqu’à l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi, lorsqu’une ordonnance du magistrat judiciaire du siège mettra fin à sa rétention, l’étranger ne pourra être maintenu à la disposition de la justice au-delà de six heures à compter de la notification de l’ordonnance à ce magistrat sans que le procureur de la République ait formé appel de cette ordonnance et saisi le magistrat judiciaire délégué d’une demande d’appel suspensif. Prévue par la loi du 16 juin 2011, cette durée de six heures applicable avant la réforme du 26 janvier 2024 avait été jugée non excessive par le Conseil constitutionnel (Cons. const., 9 juin 2011, n° 2011-631 DC, cons. 33).